Les familles de curares


Les différentes familles de curares :

  1. dépolarisants :
  2. non dépolarisants :

Les myorelaxants non dépolarisants (CND)


I - Définitions :


1) Puissance :

- DA50 = Dose Active 50 : dose qui entraîne un bloc de 50% sur le muscle du pouce.

- DA95 = Dose Active 95 : dose qui entraîne un bloc de 95% sur le muscle du pouce. En découle la dose d'intubation = 2 x DA95.

Dose d'intubation : qui a un effet sur les muscles respiratoires et laryngés, deux fois plus résistants que les muscles du pouces 2 x DA95.

- Courbe dose-action :

La relation dose-effet est linéaire.

Cette courbe permet de classer les CND en fonction de leur puissance.

2) Installation :

Installation = délai entre la fin de l'injection et le bloc maximal, exprimé en secondes ou minutes.

Installation permet de classer les CND selon leur rapidité d'installation :

- Rocuronium : installation rapide en 60-120 secondes.

- plus lents : tous les autres CND : installation > 120 secondes

Installation dépend de :

- débit sanguin musculaire : plus le débit est rapide, plus l'installation est courte.

Chez l'enfant, débit sanguin plus rapide installation rapide

L'Etomidate déprime moins le débit sanguin que le Propofol installation plus rapide avec Etomidate.

- débit cardiaque : plus le débit est rapide, plus l'installation est rapide.

- puissance du curare : plus le curare est puissant, moins l'installation est rapide.

Quand CND peu puissant : administration d'une dose importante gradient de concentration important saturation rapide des récepteurs.

Actuellement : recherche pour des CND peu puissant, donc à installation rapide.

- dose : plus on augmente dose CND, plus on diminue la durée d'installation.

Problème : à doses très élevées : effets secondaires +++, surtout avec benzylisoquinones.

3) Durée d'action clinique :

= délai entre injection et récupération de 25% de la force musculaire.

Elle dépend :

- du curare :

* courte durée d'action :

Exemple : Mivacron (25 mn).

* durée d'action intermédiaire :

Exemple : Norcuron, Tracrium, Esméron, Nimbex.

* longue durée d'action :

Exemple : Pavulon.

- de la dose :

Plus la dose est élevée, plus l'action est longue.

4) Index de récupération :

= délai entre 25 et 75% de récupération de la force musculaire = IR 25-75%

Dépend :

- du curare

- de la dose : curares à effet cumulatif, comme le Pancuronium et le Vécuronium (à chaque dose de réinjection, effet cumulatif la durée d'action de la dose est augmentée).

Ne dépend pas de la dose pour les CND non cumulatifs comme le Mivacurium, l'Atracurium et le Rocuronium.

5) Durée d'action totale :

= délai entre l'injection et la récupération complète de la force musculaire intégrale.

Dépend de :

- du curare

- de la dose

II - Métabolisme et métabolites :


Différents types de métabolisme selon les curares :

1) Métabolisme hépatique :

Pancuronium (à 20 %), Rocuronium et Vécuronium sont métabolisés par le foie et éliminés par le rein. Les métabolites sont actifs.

Problème chez les insuffisants rénaux...

2) Voie de Hofmann (ou dégradation d'Hofmann) et hydrolyse plasmatique (autre que pseudocholinestérase) :

Métabolisme par voie enzymatique (plasmatique), sans intervention du rein, si du foie. Métabolites inactifs.

Exemple : Tracrium, Nimbex.

Les métabolites de la voie d'Hofmann diffusent dans le LCR risque théorique de convulsion.

3) Métabolisme par enzymes pseudocholinestérase plasmatique :

Elles sont fabriquées par le foie. Les métabolites sont inactives.

Exemple : Mivacron.

Allongement de la durée d'action si déficit en cholinestérase plasmatique (cirrhose, déficit congénital).

Problème : variation de l'activité cholinestérasique selon les patients, d'où variation de durée d'action.

III - Pharmacodynamique comparée :


1) Pharmacocinétique des CND :

Tous les CND ont un volume de distribution à peu près identique. C'est la clairance qui détermine leur durée d'action.

Durée d'action rapide Durée d'action intermédiaire Durée d'action lente
Mivacurium Atracurium

Vécuronium

Rocuronium

Pancuronium

2) Puissance comparée des CND :

Plus le CND est puissant, plus la dose est faible à effet identique.

CND DA95 (mg/kg) Dose d'intubation (mg/kg)
Atracurium 0,25 0,50 - 0,60
Mivacurium 0,08 > 0,20
Vécuronium 0,05 0,10 - 0,15
Rocuronium 0,30 0,60
Pancuronium 0,06 0,07
Cisatracurium   0,15

3) Les différents curares :

  Dose (mg/kg) Installation (sec) Durée clinique (min)

TH 25

Durée totale (min)

T4/T1 > 0,8

Dépolarisant        
Succinylcholine 1 60 8-10 12
Non Dépolarisant        
Mivacurium > 0,2 180 15 20-30
Atracurium 0,5 180-240 30-40 60-70
Rocuronium 0,6 90-120 30-40 60-70
Vécuronium 0,1 180-240 30-40 60-70
Pancuronium 0,1 160-200 60-80 > 120

IV - Populations particulières :


1) Insuffisance hépatique (cirrhose):

a) Pharmacocinétique :

Pancuronium, Vécuronium, Rocuronium sont métabolisé par le foie, Mivacurium est métabolisé par les pseudocholinestérase fabriquée par le foie problème quand insuffisance hépatique.

L'Atracurium et le Cisatracurium sont métabolisés par voie d'Hofmann, donc pas de problème avec ces deux CND chez les insuffisants hépatiques.

b) Pharmacodynamique des CND :

Ictère : augmentation durée d'action des CND excrétés par la bile (stéroïdes)

+ 60% pour le Pancuronium

+ 45% pour le Vécuronium

0 pour Atracurium

Cirrhose : augmentation du métabolisme

Atracurium : aucun effet

Vécuronium : peu d'effet si 0,1 à 0,15 mg/kg

> 0,2 mg/kg : augmentation de 25% de la durée d'action

Mivacurium : baisse activité enzymatique d'où augmentation durée d'action (+15-75%)

Rocuronium : aucun effet

Pancuronium : augmentation dose initiale (augmentation du volume de distribution),

augmentation de la durée d'action.

Atracurium et Cisatracurium = CND des insuffisants hépatiques !

2) Insuffisance rénale (IR) :

a) Pharmacocinétique :

Les CND ont une élimination rénale. De plus, le Pancuronium et le Vécuronium ont des métabolites actives . Donc, si IR, augmentation de la profondeur du bloc.

Atracurium ++

Cisatracurium ++

Rocuronium

Mivacurium sont les CND à utiliser.

b) Pharmacodynamie :

Augmentation de la durée d'action pour le Pancuronium.

3) Pédiatrie

Facteurs de variation :

- structures musculaires, jonctions neuromusculaires, récepteurs de l'Ach : sont immatures de 0 à 3 mois, en cours de maturation de 3 mois à 2 ans, matures après 2 ans.

- volume liquide extracellulaire : volume de distribution plus important

- fonction rénale : moins bonne

- débit cardiaque : augmenté

Puissance des curares selon l'âge :

La DA95 est augmentée chez l'enfant de 1 à 12 ans, étant plus résistant en raison de leur croissance.

Débit de perfusion des CND : augmenté chez l'enfant.

Pharmacodynamique des curares :

- nouveau né : diminution installation

diminution dose

augmentation durée d'action

- nourrisson : augmentation de l'installation

augmentation de la durée d'action

- enfant > 1 an : augmentation dose

diminution durée d'action

Augmentation du risque d'histaminolibération.

4) Vieillard

Facteurs de variation :

- augmentation masse grasse

- diminution de l'eau totale (baisse volume de distribution)

- diminution de la concentration albumine

- diminution du nombre de récepteurs

- diminution de la filtration glomérulaire (rein)

- diminution du débit splanchnique (foie)

- diminution de l'activité enzymatique

- variation du débit cardiaque

Atracurium, Cisatracurium, Mivacurium : sont les CND de la personne âgée.

V - Effets secondaires :


1) Hémodynamique :

Aucun effet sauf le Pancuronium qui augmente la fréquence cardiaque et parfois la TA.

2) Histaminolibération :

Histaminolibération non spécifique :

C'est un effet pharmacologique pur.

Action directe du curare sur mastocytes, donc non allergique.

Concerne l'Atracurium et le Mivacurium.

Signes :

- hypoTA modérée

- rash cutané, rougeur

- bronchospasme exceptionnel

Dépend : - de la vitesse d'injection (plus la vitesse est élevée, plus d'histamine est libérée)

- de la dose (plus la dose est élevée, plus d'histamine est libérée)

3) Allergie vraie :

Phénomène immunologique : POUR TOUS LES CURARES

Conflit antigène/anticorps.

Présence d'anticorps anti ammonium quaternaire (NH4+).

Indépendant de la dose.

Possibilité d'allergie croisée avec les produits cosmétiques, conservateurs, savons, lessives. Donc risque de choc anaphylactique grave dès le 1° contact car allergie à cette molécule présente ailleurs (attention aux patients qui se plaignent de ces allergies particulières.

Possibilité d'allergie croisée avec d'autres curares faire tester le patient.

Signes : flush (rush cutané)

urticaire

bronchospasme

cyanose

tachycardie

hypoTA

voire arrêt cardio-ventilatoire

VI - Potentialisation :


Potentialisation des effets des CND avec les aminosides (ATB) et les halogénés (au bout d'1h30 d'administration...). Pour les interventions de longue durée, augmentation de la durée d'action des bolus.

VII - Utilisation pratique des myorelaxants non dépolarisants


But de la curarisation :

- faciliter intubation trachéale (intubation moins délétère au niveau pharyngé)

- relâchement musculaire nécessaire pour la chirurgie : le niveau de bloc dépend de l'intervention chirurgicale

- faciliter ventilation mécanique

- décurarisation rapide à la fin de la chirurgie

Le choix d'un curare dépend de la durée d'action clinique, donc de la durée de la chirurgie.

Selon les CND, il est possible d'augmenter la dose d'intubation pour réduire le temps d'installation, mais effets indésirables +++.

Méthodes d'administration des curares :

INDUCTION :

Chirurgie < 30 mn :

- Succinylcholine

- Mivacurium

Chirurgie de 30 à 120 mn :

- Succinylcholine

- Mivacurium

- Atracurium/Vécuronium/Rocuronium

Chirurgie de 2 à 4 heures :

- Succinylcholine

- Atracurium/Vécuronium/Rocuronium

Chirurgie de plus de 4 heures :

- Succinylcholine

- Atracurium/Vécuronium/Rocuronium

- Pancuronium

ENTRETIEN :

Chirurgie < 30 mn :

- perfusion Mivacurium

Chirurgie de 30 à 120 mn :

- perfusion Mivacurium

- perfusion ou bolus Atracurium/Vécuronium/Rocuronium

Chirurgie de plus de 2 heures :

- perfusion ou bolus Atracurium/Vécuronium/Rocuronium

- bolus Pancuronium

On ne fait plus de Célocurine en perfusion continue.

Quand ont commence avec un CND, on continue avec le même, sauf pour la Succinylcholine.

Entretien de la curarisation :

Curares Dose entretien

(mg/kg)

Intervalle entre deux dose (mn) Débit de perfusion (mg/kg/h)
Mivacurium 0,1 10-15 0,5-0,6
Atracurium 0,1-0,2 20-40 0,3-0,6
Vécuronium 0,025 20-30 0,1
Rocuronium 0,15 15-20 0,3-0,5
Cisatracurium 0,03 50-60 0,02-0,06
Pancuronium 0,01-0,03 45-60 0,02-0,06

VIII - Antagonisation :


La Néostigmine, anticholinestérasique, bloque la dégradation de l'Ach et permet donc d'augmenter sa concentration au niveau de la plaque motrice. Elle se fixe sur l'acétylcholinestérase, l'empêchant de se fixer sur l'Ach.

La Néostigmine est utilisable pour antagoniser les insuffisants rénaux car sa clairance diminue chez eux, comme pour celle des CND (augmentation de la durée d'action de la Néostigmine).

Effets secondaires :

- effets cardio-vasculaires :

* effet parasympathomimétique : grande bradycardie avec arrêt cardiaque par asystolie

- effets gastro-intestinaux :

* augmente le transit intestinal

En pratique : utilisation conjointe d'Atropine (l'idéal serait Néostigmine puis atropine car atropine agit plus rapidement).

Seule CI : coronarien sévère. (Asthme : OK)

Facteurs de variations de l'effet antagoniste :

- type de curare ++

- intensité du bloc ++ (niveau du bloc)

- interactions médicamenteuses :

* antibiotiques

* halogénés ++

* anesthésique local

* inhibiteur calcique

* Succinylcholine

- équilibre acide-base :

* acidose respiratoire

* alcalose métabolique

- métabolisme :

* hypokaliémie ++

* hypermagnésiumémie

* hypocalcémie ++

L'antagonisation sert à accélérer une antagonisation en cours. Inutile d'antagoniser un patient profondément curarisé.

Le degré du bloc est un facteur important pour la rapidité de décurarisation. Il faut antagoniser un patient qui commence déjà à récupérer, avec un TOF > 70 %.


Myorelaxant Dépolarisant (CD)


Succinylcholine = Célocurine

Métabolisme :

Agoniste de l'Ach.

Hydrolyse rapide par cholinestérase plasmatique (PCHE).

Succinylcholine succinate + choline

T ½ ß= 3 min.

70 % de la dose est métabolisé en 1 min !

Réduction de l'activité de la PCHE (augmentation de la durée d'action) :

- Physiologique :

* Homme > Femme

* baisse de 25% lors de la grossesse

* baisse de 50 % chez le nouveau né (versus adulte)

* activité normale au 6° mois

- Acquise :

* insuffisance rénale et/ou hépatique +++

* toxémie gravidique

* cancer, malnutrition

* collagénoses

* IDM, brûlure

- Iatrogène :

* CEC, plasmaphérèse

* anticholinestérasique PAS D'ANTAGONISATION POSSIBLE (solution = injection de PFC, plein de cholinestérase, qui accélère le métabolisme de la Célocurine). Même problème avec le Mivacron.

* Pancuronium

* anti cancéreux

* contraceptifs oraux

- Héréditaire : avec activité enzymatique très basse.

Augmentation de l'activité de la PCHE (baisse de la durée d'action) :

- obésité

- HTA

- alcoolisme chronique

- asthme

Pharmacodynamie :

- DA 90 = 0,2 mg/kg (=Dose Active 90)

- dose intubation : 1 mg/kg

- pas d'effet durée d'action/dose

- délai installation : 60 sec

- récupération à 25 % : 4-6 mn

- récupération complète : 10-12 mn

- Les muscles laryngés sont plus sensibles que les muscles du pouce pour une curarisation à la Célocurine.

- Pas d'accumulation.

Effets secondaires :

- cardio-vasculaires : effets parasympathomimétiques

* bradycardie : prévenue par Atropine. A prévenir +++ chez enfant.

* ESV

* arythmie, tachycardie (augmentation catécholamines plasmatiques)

- anaphylaxie : IgE dépendant

* bronchospasme, baisse TA, érythème

- complications :

* fasciculations : montre que le malade se curarise, peut être prévenu par petite dose de CND, 4 min avant, exemple : 1 mg de Tracrium.

* douleurs musculaires : ne sont pas dose-dépendantes, sont dues aux fasciculations.

* augmentation de la pression intragastrique (mais augmentation du tonus du cardia, donc reflux évités !)

* augmentation de la PIO et de la PIC (peu important)

* myoglobinémie

* myoglobinurie

* risque hyperthermie maligne chez l'enfant

* hyperkaliémie

Célocurine = curare entraînant le plus d'accidents allergiques graves.

Interactions médicamenteuses :

- agents halogénés si perfusion>90 mn

- CND :

* antagoniste de la Succinylcholine

* augmente délai installation de la Célocurine

* baisse de l'incidence des fasciculations

- anticholinestérasiques : Néostigmine

* baisse activité PCHE

* pas d'antagonisation possible

Avantages : délai d'installation et durée d'action courts.

Indications :

- estomac plein

- césarienne (estomac plein + oedème paroi laryngée d'où intubation difficile)

- chirurgie courte nécessitant intubation

- intubation difficile

Contre-indications :

- formelles :

* ATCD hyperthermie maligne

* allergie vraie aux curares

* déficit grave en PCHE

* myopathie (risque d'hyperthermie maligne)

* hyperkaliémie +++ (paraplégie, hémiplégie récente, tétanos, brûlure) car modification du nombre de récepteurs extrajonctionnels avec hyperkaliémie.

- relatives :

* atopie (allergie iode, eczéma,.... = terrains allergiques)

* trouble du rythme

* chirurgie globe ouvert

* myasthénie